Le monde de l’entreprise subit une triple mutation :
Les structures hiérarchiques matricielles et résiliaires se conjuguent avec un management de plus en plus transverses et organisé par projets éphémères ; le paramètre de la vitesse pèse de plus en plus sur leur stratégie, le poids financier fait que les années désormais « se réduisent presque à trois mois », et que l’organisation se débat dans les contraintes à la fois du court et du long terme. Plus aucune organisation ne peut fonctionner sans intégrer les différents paramètres de la complexité (que sont l’incertitude, les finalités paradoxales, l’ambiguïté des fonctions, les doubles contraintes permanentes pour les acteurs).
L’ensemble de ces mutations fait que les modes traditionnels d’accompagnement qu’étaient la formation, le conseil en organisation et le management du changement traditionnel, restent utiles mais ne sont plus suffisants. Des modes d’accompagnement à la fois personnalisés et en intelligence de situation, deviennent de plus en plus nécessaires.
Mon expérience de consultant, formateur, accompagnateur du changement, de thérapeute et didacticien par ailleurs, m’a amené progressivement à découvrir dans les pays anglo-saxons dans les années 80 ce qu’étaient le coaching et le team building, à en identifier les voies nouvelles et à écrire en 88 les premiers articles en France sur le sujet. Ils représentent deux leviers majeurs dans l’ensemble des vecteurs de la gestion du changement permettant le développement de l’intelligence collective. Le besoin de pérennité et de croissance des entreprises ne peut plus dépendre de l’action d’un seul dirigeant qui pense et décide de son côté et d’exécutants de l’autre. L’entreprise apprenante émerge, où tout le monde pense et exécute et où tous les acteurs deviennent des agents du savoir et des processus apprenants et où chacun tend à devenir « porteur du tout ».
1. Quelques définitions
Une philosophie et une anthropologie : elles comportent des croyances sur l’être humain, selon lesquelles s’il est capable du pire, il l’est aussi du meilleur ; et si on a tendance à voir ses difficultés et ses dysfonctionnements, au cœur de lui-même réside « un champion » ou « un prince » ou « une princesse » qui peuvent être activés d’une façon appropriée. Chaque acteur est capable de changer à condition qu’il ait une aide adéquate, et de participer lui-même à son changement.
De cette philosophie et de cette anthropologie découle une attitude qui est celle du coach, sorte d’entraîneur d’un champion ou d’une équipe championne, et qui, par ce regard génère ce que l’on appelle « l’effet Pygmalion ». En effet, s’il voit la performance objective actuelle, au-delà d’elle, il discerne, réveille et permet au champion ou à l’équipe d’actualiser son potentiel.
2. Spécificité du coaching et du team building
Les deux approches se différencient :
- de la formation classique, en ce sens qu’il s’agit moins de permettre d’acquérir des compétences ou un savoir, que de générer une dynamique où la personne élabore elle-même sa solution.
- du conseil en ce sens que dans le coaching, c’est le cadre référence même de la personne coachée qui va être le lieu d’une élaboration endogène, et non pas le travail et les solutions apportés d’une façon exogène par le conseil.
- du travail de thérapie parce que, dans le coaching on va se centrer plus sur le présent et l’avenir, et être très prudent par rapport au travail sur l’inconscient, sur la régression, sur l’histoire du passé, le travail émotionnel et le travail corporel qui est plus particulièrement le champ du travail thérapeutique.
Cependant, à la fois « champ » (domaine d’intervention : celui d’une forme de relation d’aide) et « méthode » (visant à une élaboration endogène pour la personne coachée) le coaching est à la frontière de ces différentes zones, et se doit de prendre en compte la globalité de la personne. Ainsi, il est important que le coach connaisse ces trois champs que nous venons de citer pour savoir s’en distinguer. C’est donc un accompagnement qui suppose la maîtrise d’une grande complexité et des compétences correspondantes.
3 - Les formes du coaching
- Le soutien où la personne traverse une période plus ou moins claire, plus ou moins difficile et où, sans fixer d’objectif très précis, elle va progressivement trouver un lieu de parole, d’accompagnement, d’élaboration pour elle-même.
- La crise : il s’agit d’une décision à prendre rapidement, d’une échéance qui se présente d’une façon un peu inattendue et la personne, dans les semaine ou les mois qui suivent l’émergence de l’événement, doit faire face à une situation. Il est précieux pour la personne d’avoir son lieu de réflexion, de feedback et d’aide. Le coaching peut éventuellement s’arrêter après que l’événement ait été traversé.
- La troisième forme, la plus fréquente de toutes, est celle du coaching de performance, qui consiste, pour la personne, à envisager une période de coaching organisé autour d’une situation managériale. C’est par exemple une prise de poste, une restructuration, la constitution d’une équipe, le lancement d’un produit ou d’un projet complexe, une médiation par rapport à une expatriation etc … et là, le coaching s’inscrira comme un accompagnement dont le premier degré est très opérationnel.
Dans tous les cas, le coach aura à situer avec son client, la nature même de l’accompagnement dans une perspective de développement :
- s’agit-il d’un accompagnement visant un changement de type 1, c’est-à-dire essentiellement centré sur la gestion des éléments extérieurs au responsable ou la gestion de ses comportements ?
- ou bien d’un accompagnement visant un changement de type 2, c’est-à-dire qu’au-delà des changements extérieurs et des comportements, s’agit-il en fait de reconfigurer ses croyances, ses valeurs et éventuellement ses systèmes de représentation (la façon dont la personne perçoit l’entreprise, le management, apprend à gérer des processus de plus en plus complexes, à se construire une identité nouvelle d’« homme ressource » etc.) ?
Déontologie et compétences du coach
Nous voyons ainsi la complexité des problèmes posés puisqu’ils touchent à la personnalité managériale et éventuellement à des éléments plus profonds de la personne, en même temps qu’à l’environnement. Cette complexité oblige le coach à avoir une bonne connaissance tant des arcanes du management et de l’entreprise que des éléments de développement personnel voire même de thérapie.
Il est donc important que le coach ait fait un travail sur lui-même nécessaire et appris à « nettoyer ses lunettes » pour ne pas être dans la projection de ses propres problèmes et pouvoir assurer pour son client un accompagnement en étant bien à distance de ses émotions et affects, et des phénomènes transférentiels dont il peut être l’objet.
Il est important aussi qu’il connaisse suffisamment les éléments propres à la thérapie pour ne pas en faire avec son client et pour pouvoir le renvoyer à d’autres instances, que lui-même en tant que coach n’est pas en mesure de gérer dans le cadre de l’entreprise, même si, dans un autre cadre, il pourrait l’envisager.
Il est donc important que le coach ait intégré :
- une formation solide et des compétences qui comportent à la fois une expérience suffisante de l’entreprise, une expérience et une formation à la relation d’aide,
- un travail thérapeutique sur lui-même minimal pour qu’il puisse garder la position de juste distance et enfin une réflexion déontologique lui permettant de garder une position éthique,
- un lieu de contrôle et de supervision, qui lui assure d’avoir les moyens de ne pas être pris dans trop d’angles morts.
Choix du coach
La question se pose donc du choix de son coach pour un responsable.
Le choix du coach va se faire à la fois à partir d’éléments objectifs de la compétence de la personne et de son degré d’intégration des éléments que nous venons de donner, mais aussi des critères subjectifs très importants. La qualité de relation et de confiance que le client peut avoir vis à vis du coach sera évidemment un élément tout à fait déterminant et comporte une part d’irrationnel irréductible.
Mode ou tendance lourde ?
Le terme de coaching fleurit actuellement dans les médias et devient très présent dans l’offre des différents professionnels internes ou externes à l’entreprise, ainsi que dans la conception du rôle managérial des responsables. Cette floraison pourrait laisser penser qu’il ne s’agit que d’une mode.
Mon avis de professionnel de ce métier depuis vingt ans, et qui a formé plusieurs centaines de coaches sur des périodes longues, et donc rencontré de très nombreuses situations d’entreprises justifiant un travail de coaching, me donne la conviction qu’il s’agit d’une tendance lourde.
En effet, la perte est importante des repères qu’offraient les institutions traditionnelles telles que la famille, l’éducation, l’entreprise en tant qu’institution offrant dans le passé une stabilité d’emploi et une possibilité de carrière programmable à long terme, et d’autres institutions comme les institutions religieuses, l’armée etc … Ainsi dans cette reconfiguration massive de l’environnement du monde de l’entreprise et du positionnement individuel des acteurs, les solutions classiques de la formation et du conseil deviennent très insuffisantes. Les personnes voient, d’une part, des changement majeurs leur être imposés et, d’autre part, des opportunités s’ouvrir, leur offrant un espace de liberté difficile à gérer et une invitation à la responsabilité encore plus dure à assumer pleinement. Les besoins deviennent massifs pour chaque acteur. Il veut non seulement assurer sa pérennité professionnelle mais aussi accéder à un développement significatif. Il lui faut trouver un moyen à la fois très personnalisé et très en intelligence de situation que seul le coaching et son prolongement dans le team building, c’est-à-dire dans la gestion de ses collaborateurs, va permettre.
Quel responsable ou quelle équipe peut prétendre ne pas avoir de potentiel à développer et ne pas songer aux moyens que se donnent les sportifs de haut niveau ou les artistes pour maintenir leur compétitivité et leur croissance ?
Ceci me conduit à affirmer qu’il faudrait en France un coach pour 50 habitants non seulement pour des responsables d’entreprises mais pour des directeurs d’écoles, des responsables d’hôpitaux, des responsables de vie associative, des responsables de collectivités locales, etc …
Voici donc une approche promise à un bel avenir !…
Article de Vincent LENHARDT